Oui, l’adhésion à Twitter est soumise au droit de la consommation !

Image
17/09/2018
Tech&droit - Données

Le 7 août dernier, après avoir soumis l’adhésion à Twitter au droit de la consommation, le TGI de Paris a reconnu que des centaines de clauses du réseau social étaient illicites et l’a condamné à verser 30 000 euros à l’association UFC-Que Choisir. Une décision qui pourrait avoir une portée immense pour la protection des données personnelles des utilisateurs. Les explications d’Arnaud Touati, avocat associé du cabinet ALTO AVOCATS, et Tom Ha, élève-avocat.
Après avoir essayé de trouver une solution à l’amiable avec le réseau social Twitter il y a quatre ans, l’association UFC-Que Choisir l’a finalement assigné en justice afin de faire reconnaître le caractère illicite de certaines des clauses de ses conditions générales d’utilisation. Et la justice lui a donné raison puisque le 7 août 2018, le réseau social a été condamné par le TGI de Paris (TGI de Paris, 7 août 2018).
 
Twitter, un professionnel soumis au droit de la consommation
Le tribunal de grande instance de Paris a commencé par qualifier la relation qui se crée entre les utilisateurs et le réseau social lors de l’adhésion, pour ensuite juger que le contrat d’utilisation de la plate-forme est un contrat soumis au droit de la consommation.
 
Pour justifier sa solution, le TGI rappelle que le réseau social tire profit de son activité, en collectant et commercialisant à titre onéreux des données déposées gratuitement par les utilisateurs, lesquelles constituent des « marchandises ». Dès lors, la juridiction a considéré que Twitter agissait à des fins commerciales, de sorte qu’il s’agissait d’un « professionnel » au sens de l’article liminaire du Code de la consommation. Pour le tribunal : « En collectant des données déposées gratuitement par l’utilisateur à l’occasion de son accès à la plate-forme et en les commercialisant à titre onéreux, la société Twitter, agissant à des fins commerciales, tire profit de son activité, de sorte qu’il est un « professionnel » au sens de l’article liminaire du Code de la consommation, lequel définit le professionnel, comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, agissant à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
 
Conséquences immédiates : ses CGU sont contraintes de respecter la réglementation sur les clauses abusives. Rappelons ainsi que les articles L. 212-1 et L. 212-2 du Code de la consommation prévoient que « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs (ou non-professionnels), sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
 
Dans la mesure où ce réseau social est qualifié de professionnel, le TGI de Paris s’est appuyé sur ces articles pour déclarer abusives 265 clauses utilisées par Twitter, aux motifs qu’elles étaient illisibles et que les informations essentielles étaient réparties de manière éparse dans les conditions générales. Le tribunal rappelle ainsi que les dispositions du Code de la consommation : « imposent au professionnel de communiquer au consommateur, avant qu’il ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ».
 
Twitter, un responsable du traitement des données personnelles soumis à la loi informatique et libertés
Par ailleurs, la juridiction a considéré que le réseau social était le responsable du traitement des données personnelles. Dès lors, c’est à lui de déterminer les finalités du site et, ainsi, de prendre les précautions nécessaires pour assurer la sécurité de ces données personnelles. En effet, le tribunal a indiqué que : « La société Twitter, en sa qualité de responsable de traitement, est tenue de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et empêcher que des tiers non autorisés y aient accès ».
 
Le TGI a notamment déclaré illicites les clauses selon lesquelles les données personnelles des utilisateurs sont, par défaut, publiques. Par exemple, le tribunal indique que : « La clause n° 8 se dispense d’informer l’utilisateur de la nature des données personnelles collectées, l’absence de cette information ne permettant pas de recueillir le consentement de la personne concernée. Cette clause se contente de conseiller à l’utilisateur de ‘réfléchir sérieusement à ce qu’il rend public ».
 
En outre, il en a été de même pour les stipulations qui autorisent sans précision le transfert des données dans un autre pays, ainsi que celles autorisant le réseau social à copier, adapter, modifier ou vendre les contenus postés sans autorisation préalable des utilisateurs, ou encore celles permettant de clôturer le compte d’un utilisateur en conservant son nom sans limitation de durée, « De sorte qu’en prévoyant, en cas de résiliation du contrat, que Twitter conserve les contenus mis en ligne par l’utilisateur, les clauses n° 10 et n° 4.9 des Conditions reconnaissent au professionnel un pouvoir de décision unilatérale quant à la durée de conservation des contenus, illicites au regard des articles 6 5°) et 36 de la loi Informatique et Libertés ».
 
Une condamnation, et après ?
Le réseau social a été condamné à verser 30 000 euros de dommages et intérêts à l’association UFC-Que Choisir, au titre du « préjudice moral porté à l’intérêt collectif ».
 
S’agissant des clauses illicites, Twitter a été condamné à les retirer et ce, sous astreinte. Dès lors, si le géant du Web ne s’exécute pas dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, il sera donc condamné à payer 5.000 euros par jour de retard, cette astreinte étant valable pour une durée de six mois.
 
Le réseau social a également été condamné à mettre le jugement à disposition de ses utilisateurs dès la page d’accueil de sa plateforme.
 
Principale conséquence de cette décision : les utilisateurs devraient désormais être en mesure, notamment, d’autoriser ou non le réseau social à utiliser leurs données à des fins commerciales ou encore de l’autoriser ou non à utiliser leurs photos pour créer des publicités ciblées.
 
Le réseau Twitter avait un mois pour faire appel, mais il n’en n’a pas décidé ainsi.
 
Selon l’UFC-Que Choisir, cette première décision de condamnation en France est très encourageante au regard des recours similaires engagés contre Facebook et Google, sur lesquels la justice doit se prononcer dans les prochains mois. Pour cette association, « cette victoire est de bon augure pour les procédures similaires à l’encontre de Facebook et de Google, toujours en cours ».
Source : Actualités du droit