Prothèse défectueuse : lien de causalité et charge des réparations

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15/02/2022
Civil - Responsabilité
Public - Santé

Doit être approuvée la solution de la cour d’appel qui, en se fondant sur le rapport d’expertise écartant d’autres causes de rupture de la prothèse et la faute du médecin, retient la responsabilité du producteur.
Faits et solution

À la suite de la rupture d'une prothèse de hanche, une personne a subi une intervention chirurgicale afin que soient retirés les débris et mise en place une nouvelle tête en métal. Cette intervention en a nécessité d’autres, qui ont généré complications et séquelles pour la victime.

Après expertise, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) a indemnisé la victime et a en conséquence exercé un recours contre le producteur de la prothèse.

Pour retenir la responsabilité du fabricant de la prothèse concernée, la cour d’appel retient que le dommage était imputable à la rupture de la prothèse. Et même si les raisons de cette rupture sont « difficiles à déterminer »,  la preuve d’une cause exogène exonératoire de la responsabilité du producteur n’a pas été rapportée.

Devant la Cour de cassation, le producteur argue que c’est au demandeur, la victime, agissant sur le terrain de la responsabilité du fait des produits défectueux de prouver l'existence d'un défaut du produit, renversant ainsi la charge de la preuve. Et de poursuivre en estimant que les juges d’appel n’ont pas caractérisé le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. En omettant de prendre en compte le non-respect par le chirurgien des consignes du fabricant dans le choix et le montage de la prothèse de remplacement et mettant ainsi à sa charge l’ensemble des dommages, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale.

Aucun de ces arguments ne prospère devant les Hauts magistrats. Ils estiment que c’est à bon droit que les juges d’appel ont pu caractériser le lien de causalité, en se fondant sur le rapport d’expertise qui écarte expressément d’autres causes de rupture et qu’en conséquence ladite prothèse ne présentait pas la sécurité à laquelle le patient pouvait légitimement s'attendre et était défectueuse. Ensuite, afin de mettre à charge du producteur l’ensemble des réparations, la Cour énonce que « la rupture de la prothèse initiale était à l'origine non seulement de l'opération de reprise mais aussi de tous les actes chirurgicaux subséquents et des dommages successifs qui en ont résulté pour M. X, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la responsabilité des producteurs était engagée au titre de l'ensemble de ces dommages », en écartant ainsi la responsabilité du médecin.

Éléments d’analyse

Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux est à maints égards particulier. Issue d’une directive européenne transposée avec 13 ans de retard, codifiée dans le Code civil (en non pas dans le Code de la consommation), la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 a instauré un régime de responsabilité mixte. De ces particularités en découlent d’autres, plus à même d’expliquer la solution dégagée par le présent arrêt. En effet, l’article 1245-8 du Code civil met à charge de la victime de prouver le lien de causalité entre le défaut et le dommage, le défaut qui se définit comme un défaut de sécurité du produit à laquelle on pouvait légitimement s’attendre.

En l’espèce, même si les raisons de la rupture de la prothèse sont « difficiles à déterminer », en éliminant d’autres causes, la cour d’appel a pu décider à bon droit (appréciation souveraine qui peut se baser sur des présomptions graves, précises et concordantes : Cass. 1re civ., 18 oct. 2017, n° 15-20.791) que c’était bien la prothèse à l’origine des dommages présentant ainsi un défaut répondant aux critères ci-dessus rappelés. Un autre indice que les juges du fond ont relevé dans leur appréciation est le fait que « cette rupture était intervenue dans un très court délai après la pose de la prothèse » (Cass. 1re civ., 26 févr. 2020, n° 18-26.256).

En outre, aucune faute du médecin n’a pu être décelée, l’entièreté des réparations doit peser sur le producteur (pour mémoire, l’implantation d’une prothèse défectueuse ne peut être imputée au médecin uniquement s’il a commis une faute, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation : Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n° 11-17.510 ; Cass. 1re civ., 26 févr. 2020, n° 18-26.256 précité).
Source : Actualités du droit