Traitement fiscal des dépenses de recherche : précisions sur l’option entre activation ou déduction

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22/09/2023
Affaires - Fiscalité des entreprises

Une société ayant déjà exercé son option, sur le plan comptable, entre l’activation ou la déduction des frais de développement au titre d’un premier projet de recherche remplissant les conditions prévues pour exercer ce choix, est tenue d’appliquer la même méthode pour les projets suivants qui remplissent les mêmes conditions. Il convient par conséquent de s’assurer que chaque projet répond effectivement aux critères lui permettant d’entrer dans le champ de cette option. C’est ce qu’a précisé le Conseil d’État dans un arrêt du 26 juillet 2023.
Pour mémoire, l’article 236 du CGI énonce que, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, les dépenses de fonctionnement exposées dans les opérations de recherche peuvent, au choix de l’entreprise, être immobilisées ou déduites des résultats de l’année ou de l’exercice au cours duquel elles ont été exposées.

Sur le plan comptable, le deuxième alinéa de l’article R. 123-186 du code de commerce prévoit que les frais de développement peuvent être inscrits à l'actif du bilan à la condition qu’ils se rapportent « à des projets nettement individualisés, ayant des sérieuses chances de rentabilité commerciale ».  L’article L. 123-17 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, précise par ailleurs que la présentation des comptes annuels comme des méthodes d'évaluation retenues ne peuvent être modifiées d'un exercice à l'autre, « à moins qu'un changement exceptionnel n'intervienne dans la situation du commerçant, personne physique ou morale ».

En l’espèce, une société a signé un marché avec le Centre national d'études spatiales (CNES), le 6 mai 2011, en vue de la réalisation d'un projet de recherche, pour l'exécution duquel elle a conclu un accord dit de consortium avec quatre organismes de recherche.

Au titre de ce projet, la société a comptabilisé en charges les travaux facturés au CNES qui ont été réalisés par les quatre organismes de recherche, qu’elle a considéré comme des dépenses de sous-traitance, et elle a inscrit à l’actif de son bilan, dans un compte de production, ses propres travaux.

À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause la comptabilisation en charges des dépenses de sous-traitance, considérant que l’ensemble des dépenses relatives au projet de recherche avec le CNES auraient dû recevoir un traitement comptable et fiscal homogène. Selon l’administration, les dépenses de sous-traitance auraient dû être activées, compte tenu des perspectives de réussite technique du projet.

La société soutenait quant à elle que les dépenses de sous-traitance engagées dans le cadre de ce projet ne remplissaient pas les critères permettant leur immobilisation dès lors qu'elle n'avait procédé à la conception d'aucun outil ou prototype permettant une production commerciale dans des conditions économiques viables.

La cour administrative d’appel a jugé, après avoir relevé que la circonstance que la société avait inscrit en immobilisations les dépenses de développement exposées au titre de plusieurs autres projets de recherche révélait une décision d'option en faveur de l'activation de ces dépenses, que cette circonstance faisait obstacle à ce que, pour ce dernier projet, elle inscrive par ailleurs en charges des dépenses de recherche dites de sous-traitance.

Le Conseil d’État précise alors que le législateur ayant entendu aligner le traitement fiscal des dépenses de fonctionnement exposées au titre d'opérations de recherche scientifique ou technique sur la règle comptable, l’option prévue par le I de l'article 236 du CGI est, conformément au principe de permanence des méthodes comptables énoncé à l'article L. 123-17 du code de commerce, irréversible sauf changement exceptionnel de situation du contribuable ou modification des règles comptables, et doit s'exercer pour l'ensemble des dépenses des projets de recherche de l'entreprise qui satisfont aux critères prévus par l'article R. 123-186 du code de commerce.

Par suite, selon le Conseil d’État, la cour administrative d’appel aurait dû rechercher si les dépenses de sous-traitance exposées pour le projet en partenariat avec le CNES répondaient effectivement aux critères d’immobilisation prévus par l’article R. 123-186 du code de commerce.

En effet, comme le souligne la rapporteure publique Céline GUIBE dans ses conclusions sur cet arrêt, la cour administrative d’appel « ne pouvait se fonder sur le seul exercice de l’option comptable pour l’activation des frais de développement, sans vérifier si le projet (…) répondait effectivement aux critères lui permettant d’entrer dans le champ de cette option. Elle ne pouvait pas, sur ce point, opposer, par principe et sans que l’administration n’ait invoqué une erreur comptable délibérée, le mode d’enregistrement des dépenses de travaux internes de conception de logiciel, sans vérifier si ces dépenses se rapportaient effectivement au projet (…) ou si elles en étaient détachables, comme le soutenait la société ».

L’arrêt de la cour administrative d’appel est annulé et l’affaire lui est renvoyée.
Source : Actualités du droit