Taxe foncière et immeubles en travaux : un nouvel atout pour la stratégie d’entreprise

Image  article
27/08/2025
Affaires - Sociétés
Fiscalité - Fiscalité

La fiscalité immobilière constitue un enjeu central pour les entreprises. Lorsqu’un immeuble est en cours de transformation, la question se pose de savoir à quel moment la taxe foncière doit refléter cette évolution. Le Conseil d’État, dans une décision du 5 mai 2025 (affaire Pamier, n° 499328), a apporté une réponse claire : tant que les travaux ne sont pas achevés, la valeur locative servant de base à l’impôt reste inchangée. Cette neutralité fiscale offre aux dirigeants une véritable marge de manœuvre dans la gestion de leurs projets immobiliers.

La taxe foncière est assise sur la valeur locative cadastrale, telle que prévue par le Code général des impôts. Trois articles sont essentiels : l’article 1516 exige que cette valeur reflète la réalité, l’article 1517 précise que seules des modifications stabilisées peuvent la modifier et l’article 1406 impose une déclaration dans les 90 jours suivant l’achèvement. En jugeant qu’un immeuble en chantier ne constitue pas une base imposable définitive, le Conseil d’État interdit toute révision avant réception. Pour l’entreprise, cela signifie que la taxe foncière reste calculée sur la valeur antérieure pendant toute la durée des travaux. Cette stabilité se traduit par l’absence de surcoût fiscal pendant la phase de démolition ou de réhabilitation, par une meilleure visibilité budgétaire et par un argument renforcé dans les négociations financières. Le calendrier d’achèvement devient dès lors stratégique : un chantier réceptionné en janvier plutôt qu’en décembre peut repousser d’un an la hausse de taxe, générant des économies substantielles.

Pour bénéficier pleinement de cette neutralité, il est essentiel de sécuriser la preuve de l’état inachevé. Les constats d’huissier, rapports techniques du maître d’œuvre et photographies datées et localisées sont autant d’éléments à conserver pour anticiper un éventuel contrôle. En parallèle, il est prudent d’anticiper l’après-travaux : simuler la future valeur locative, recourir au mécanisme de lissage triennal prévu par l’article 1518 B en cas de hausse supérieure à 30 %, ou explorer les régimes d’exonération (articles 1383 et suivants du CGI) applicables aux immeubles neufs, HQE ou à usage mixte.

Certaines questions reviennent régulièrement. La suspension totale de la taxe n’est possible qu’en cas d’impropriété absolue et durable, conformément à l’article 1389 du CGI, et non pour une simple inoccupation due aux travaux. La déclaration au démarrage du chantier n’est pas exigée, seule l’achèvement ou la mise en exploitation partielle doivent être signalés. Enfin, la possibilité de répercuter l’économie d’impôt sur le locataire existe si le bail le prévoit, sous réserve du respect des dispositions du Code de commerce relatives aux clauses d’indexation.

Cette décision incite à intégrer la fiscalité dans la gouvernance des projets immobiliers. Le dirigeant fixe le phasage du chantier, le directeur financier en évalue les conséquences sur la trésorerie, le property manager suit l’avancée opérationnelle et le conseil juridique sécurise les relations avec l’administration. En coordonnant ces rôles, l’entreprise transforme une contrainte fiscale en paramètre stratégique.

La jurisprudence du 5 mai 2025 montre que la taxe foncière ne doit pas être subie mais anticipée. En planifiant soigneusement la réception des travaux, en constituant un dossier probant et en évaluant les charges futures, le chef d’entreprise dispose d’un véritable outil de pilotage budgétaire. Loin d’être une simple obligation fiscale, la taxe foncière devient une composante à part entière du business plan immobilier.