Projet de loi de finances pour 2018 : le choix de la sincérité

Image  Présentation du projet de loi de finances pour 2018 ce 27 septembre à Bercy
27/09/2017
Affaires - Fiscalité des entreprises

S’il ne fallait retenir qu’un mot de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2018, qui s’est tenue ce mercredi 27 septembre à Bercy, ce serait la « sincérité ». Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, l’a dit et redit : « nous avons fait le choix de la sincérité ». Mais que faut-il comprendre derrière cette déclaration ?
Sincérité des chiffres, sincérité des estimations, sincérité des choix budgétaires… Dit autrement on pourrait parler d’une volonté de transparence et d’exactitude sur les chiffres du budget et les projections sur les cinq années du quinquennat.
Bruno Le Maire est parti d’un constat : « nous avons une croissance solide en France et en Europe ». L’Insee, le FMI et l’OCDE s’accordent sur une croissance de 1,7 % en 2017 et 2018. Dans ce contexte favorable, le gouvernement ne reportera pas les choix difficiles et va entamer les transformations nécessaires.

D'abord, quatre objectifs chiffrés ont été fixés pour le quinquennat :
– cinq points de dette publique en moins ;
– trois points de dépenses publiques en moins ;
– deux points de déficit public en moins ;
– un point de prélèvements obligatoires en moins réparti à parts égales entre les ménages et les entreprises.

Mais ce ne sont pas les seuls.

Favoriser le risque et l’innovation au détriment de la rente

La France doit également réussir les transformations technologiques indispensables pour rester dans la course de l’innovation. « Le monde ne nous attendra pas » a déclaré Bruno Le Maire. Le PLF 2018 se veut donc favorable à l’innovation. Afin d’orienter l’épargne française « vers l’investissement dans les entreprises qui prennent des risques, qui innovent et qui créent les emplois de demain », la fiscalité du capital va être allégée et simplifiée grâce à la mise en place du prélèvement libératoire unique (PLU ; « flat tax »). Toutefois, l’épargne salariale, les produits d’épargne populaire (par exemple le Livret A) ne seront pas concernés, tout comme les contrats d'assurance-vie des assurés dont l’encours total d’assurance-vie est inférieur à 150 000 euros, ou encore les produits fortement investis en actions (PEA, PEA-PME), qui conserveront leur régime fiscal actuel.

En complément de cette première réforme, le gouvernement souhaite supprimer l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et le remplacer par un impôt sur la fortune immobilière (avec néanmoins une exonération de l’immobilier professionnel). En effet, selon le gouvernement, l’ISF ne tenant pas compte de la diversité des actifs qui composent son assiette, il découragerait l’investissement et l’épargne.
En outre, cet impôt constituerait un frein à la croissance des entreprises, tout particulièrement des PME et ETI familiales : les actionnaires assujettis à l’ISF réclament des distributions de bénéfices régulières pour pouvoir payer leur impôt, au détriment d’un renforcement des fonds propres. « Il faut créer des richesses avant de les redistribuer » a martelé Bruno Le Maire.

Par ailleurs, il a rappelé que l’impôt sur les sociétés (IS) baissera de 33,33 % à 25 % d’ici à la fin du quinquennat et que le crédit d’impôt recherche (CIR) va être sanctuarisé – son déplafonnement est à l’étude – et les dispositifs complémentaires comme les Jeunes entreprises innovantes (JEI) maintenus.

Enfin, un fonds pour l’industrie et l’innovation – le « fonds pour l’investissement dans l’innovation de rupture » tel que l’a nommé Bruno Le Maire – doté de 10 milliards d’euros sera mis en place à partir des produits de cessions de participations non stratégiques de l’État (comme celles dans Engie cédées très récemment).

Réussir la transformation économique de la France

La France reste avec l’Espagne le seul pays soumis à la procédure pour déficit public excessif prévue par les textes européens. Pour gagner en crédibilité auprès de nos partenaires européens, le gouvernement souhaite sortir de cette procédure dès 2018. Pour ce faire, il a déployé dès juillet dernier un plan de maîtrise de la dépense publique qui prévoit une économie de plus de 4 milliards d’euros (soit un recul dans le PIB à hauteur de 0,7 point). Grâce à ces efforts, le déficit public devrait repasser sous la barre des 3 % fin 2017 – le gouvernement table sur 2,9 % en 2017 et 2,6 % en 2018.

Pour renforcer la compétitivité et l’attractivité du pays, plusieurs mesures sont prévues, notamment un allègement du coût du travail grâce à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) en un allègement pérenne de cotisations patronales et, pour les entreprises à forte valeur ajoutée, la suppression de la quatrième tranche de la taxe sur les salaires.

« Mais la transformation économique de la France va de pair avec celle de l’Europe », a déclaré Bruno Le Maire, laquelle nécessite l’adoption de plusieurs mesures, à commencer par la mise en place d’une taxation des géants de l’Internet (les GAFA). Il s’agit ensuite de lutter contre le dumping fiscal en Europe. Bruno Le Maire est favorable à une politique de réduction des écarts entre les taux d’imposition appliqués dans les différents États membres de l’Union européenne. Une convergence sera d’ailleurs entamée dès 2018 en matière d’impôt sur les sociétés : dix-neuf États membres sont favorables à cette mesure. Il souhaite enfin que les versements au budget de l’Union européenne soient liés aux ressources des États.

Redonner du pouvoir d’achat aux Français

« Le travail doit payer » : Bruno Le Maire, comme Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, l’ont affirmé avec vigueur, que ce soit pour les salariés ou les indépendants. Le gouvernement est décidé à redonner du pouvoir d’achat aux Français.

Ainsi, dès 2018, tous les Français salariés et indépendants verront leurs cotisations sociales diminuer par la suppression de leurs cotisations chômage et maladie, qui sera financée par une hausse moindre de la contribution sociale généralisée (CSG), générant un gain net de pouvoir d’achat.

En outre, 80 % de Français paieront moins d’impôts : leur taxe d’habitation sera supprimée, progressivement, sur trois ans. Les salariés aux revenus modestes et intermédiaires verront leur salaire augmenter : la prime d’activité sera progressivement revalorisée de 80 euros par mois, dont 20 euros dès 2018.

De nouvelles protections en faveur des plus fragiles seront également mises en place : l’allocation aux adultes handicapés sera revalorisée de 100 euros par mois sur deux ans à partir de 2018 ; le minimum vieillesse sera augmenté jusqu’à atteindre 100 euros par mois.

Concernant spécifiquement les indépendants, leur fiscalité sera simplifiée, par le relèvement des seuils des régimes simplifiés d’imposition (régimes « micro ») et, pour certains d’entre eux, par une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE).

L’avenir nous dira si ces objectifs seront tenus et les résultats escomptés au rendez-vous. Pour l’heure, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que le budget du gouvernement est « prudent » pour 2017 et « raisonnable » dans ses prévisions économiques pour 2018, comme Bruno Le Maire l’a rappelé en préambule de sa présentation. Il a toutefois omis de dire que ce même organisme a émis des réserves sur la réalisation des économies annoncées (Avis HCFP Avis n° HCFP-2017-3, 24 sept. 2017).
Source : Actualités du droit