Responsabilité médicale : appréciation de l’impartialité de l’expert

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13/11/2019
Civil - Responsabilité
Public - Santé

L’exercice de responsabilités au sein d'organisations syndicales ou professionnelles de médecins n'est pas, par lui-même, de nature à faire obstacle à la réalisation d'une mission d'expertise, à l’exception de circonstances pouvant remettre en cause l’impartialité de l’expert.
Une patiente a confié le suivi de sa grossesse à un centre hospitalier intercommunal, puis a un centre hospitalier régional universitaire, où la mort in utero du fœtus a été constatée. À la demande de celle-ci et de son mari, le juge des référés a désigné un expert, docteur en médecine, afin de se prononcer sur la conformité aux règles de l'art de la prise en charge de la demanderesse dans ces deux établissements.

Au vu du rapport d'expertise, qui concluait que ladite prise en charge avait été conforme aux règles de l'art, le tribunal administratif a rejeté la demande des époux tendant à ce que les établissements soient condamnés au versement d’une provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice suite au décès de leur enfant.

Ces derniers se sont pourvus en cassation sur l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille, en tant qu'il rejette leur appel formé contre ce jugement sur le moyen tiré du défaut d’impartialité de l’expert.

Sur un premier moyen qui ne sera pas développé, le Conseil d’État énonce que l’échec de la demande en justice visant à la récusation d’un expert et ayant fait l’objet d’un jugement définitif, ne fait pas obstacle à l’introduction d’une instance dirigée aux fins de contestation de la partialité dudit expert.

Sur le moyen relatif à l’impartialité de l’expert, les juges relèvent que le docteur « qui exerçait des responsabilités au sein de la principale organisation syndicale française de gynécologues-obstétriciens, avait, d'une part, pris parti, peu de temps avant la réalisation de l'expertise litigieuse et de manière publique, en expliquant qu'il était selon lui nécessaire que les gynécologues-obstétriciens soient mieux défendus devant les juridictions, d'autre part, mis en place, au sein de l'Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens, une commission dont il assurait la direction et qui était notamment chargée d'aider les gynécologues-obstétriciens à faire réaliser des expertises aux fins d'assurer leur défense devant les juridictions saisies de litiges indemnitaires dirigés contre eux ».
Dès lors, si l'exercice de responsabilités au sein d'organisations syndicales ou professionnelles de médecins n'est pas, par lui-même, de nature à faire obstacle à la réalisation d'une mission d'expertise, les circonstances de l'espèce font que les requérants étaient fondés à mettre en cause l'impartialité du docteur. En ce sens, l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel doit être annulé.

La question de l’impartialité de l’expert est fondamentale au regard du droit à un procès équitable selon l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (v. CEDH, 6 mai 1985, aff. 8658/79, Bönisch c/ Autriche ; CEDH, 28 août 1991, aff. 11170/84, Brandstetter c/ Autriche).
Ainsi, il appartient au juge « de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l’une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité » (CE, 19 avr. 2013, n° 360598).

Par exemple, a été récusé un professeur de neurochirurgie partageant avec son confrère ayant réalisé l’intervention chirurgicale à l’origine du contentieux, des activités, menées dans un cadre géographique proche, au sein d’une association professionnelle, et ce alors que tous deux avaient publié, avant et après l’expertise, des travaux scientifiques issus de recherches effectuées en commun (CE, 30 mars 2011, n° 330161).
Source : Actualités du droit